UN LIEN CACHÉ
Notre tout, celui dont il est possible et permis de parler, est un système d’une prodigieuse cohérence. Le plus surprenant, c’est qu’il y ait comme une harmonie et une correspondance secrète entre les lois de l’univers et les lois de l’esprit. L’homme découvre le tout, perce ses mystères, avance en conquérant dans la connaissance de l’immense univers qui se déploie autour de nous, monte vers des espaces de plus en plus lointains, descend, à la façon d’un explorateur en train de découvrir des régions inconnues, dans les abîmes d’un infiniment petit qui est comme l’image inversée de l’infiniment grand. Et il s’imagine avec simplicité qu’il répand de la lumière sur de l’obscurité. Il n’est pourtant pas acquis d’avance que le destin de l’homme soit de connaître l’univers et que le destin de l’univers soit d’être connu par l’homme. La clé secrète de l’affaire, c’est que l’homme ne peut jeter ses filets sur le tout et lui imposer ses catégories logiques et ses structures mathématiques que parce que le tout se les laisse imposer. « Ce qu’il y a de plus incompréhensible, disait Einstein, c’est que le monde soit compréhensible. » Comment ne pas être tenté de sauter, peut-être avec un peu de hardiesse et de précipitation, un pas métaphysique, comment ne pas se laisser aller à rêver que l’homme était fait pour conquérir le tout et que le tout était fait pour être conquis par l’homme ? Ne serait-ce que parce que l’homme est capable de penser le tout, il y a un lien caché, évident mais caché, entre l’homme et le tout. Il n’y a pas de rupture entre l’univers et l’homme qui en fait partie. Tout est lié dans le tout. L’attraction universelle et la gravitation ne sont que les conséquences et les symboles d’une cohérence et d’une unité qui rassemblent le tout, qui le font tenir ensemble, qui l’empêchent d’éclater et qui tissent un lien entre tout ce qui existe.
Ce lien est le tout même. C’est lui qui permet à l’homme de comprendre l’univers. C’est lui qui fait que la mathématique et les nombres sont à la fois, comme par miracle, dans la pensée de l’homme et dans la nature des choses. C’est lui qui inscrit les lois et leur nécessité dans l’espace et dans le temps.
C’est lui qui est au cœur de l’amour qui jette les êtres l’un vers l’autre. C’est lui qui fait courir comme un fil invisible entre les étoiles et la pensée, entre le big bang et l’histoire, entre le tout et chacun de nous.